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Dans ce dernier épisode de notre trilogie consacrée à la gestion des retards de paiements des partenaires d’un réseau de franchise, nous évoquerons les impacts tant économiques que psychologiques qui conduisent la direction d’un réseau à envisager un retournement de situation dans la gestion d’un conflit avec l’un de ses partenaires.

Comme nous l’avions vu, nous sommes à un stade ou les opérationnels n’ont plus la main sur le dossier qui est sur le bureau de l’avocat. Une sortie du périmètre du réseau est une option plus que probable pour ce point de vente qui cumule des retards de paiements en vue de faire pression sur la tête de réseau.

La situation est tendue car l’image de l’enseigne est en jeu. Sa stratégie de développement est une priorité pour le groupe. Des fermetures de points de ventes non prévues au budget risquent de dégrader l’atterrissage prévu en début d’exercice.

Un bon accord vaut mieux qu’un mauvais procès

Le directeur du réseau qui a jusqu’à lors suivi ce dossier à distance place sous sa responsabilité un groupe de travail dont l’objectif est d’identifier les avantages et les inconvénients de la future résiliation du contrat de franchise (aux tords du franchisé) qui se profile. 

Dans se réflexion, s’entremêlent les éléments suivants qu’il se doit de maitriser :

  1. La fermeture du point de vente : L’animateur réseau sera chargé de vérifier que l’enseigne à bien été déposée et que le point de vente a correctement été banalisé. Des photos seront remises au service juridique qui validera que la clientèle ne sera pas trompée par des images caractéristiques de la marque, laissée en l’état. L’animateur devra également récupérer tous les supports sur lesquels figure le logo de l’enseigne (banderoles publicitaires, flagship, papier à en-tête, prospectus…). La direction marketing préparera un argumentaire de réponses- types si la presse (radio, web, papier, locale, spécialisée franchise…) venait à faire état de cette fermeture. Le service recrutement devra également être en mesure de répondre aux questions des candidats sur cette fermeture sans entrer dans les détails du litige. La direction financière expliquera aux partenaires financiers et organismes de crédit qui référencent le réseau les motifs de cette sortie du réseau. Le service juridique devra effectuer une mise à jour du Document d’Information Précontractuelle (DIP). Enfin, les franchisés les plus proches de ce point de vente seront sollicités pour accueillir les clients fidèles prêts à parcourir quelques kilomètres supplémentaires. 
  • La réouverture dans la même ville : Le service recrutement démarrera de nouvelles campagnes de sourcing ciblées dans la région, communiquera sur les sites partenaires de recrutement et effectuera une présélection rigoureuse pour s’assurer que le profil choisi à une bonne connaissance du tissus local. Les chargés d’expansion se mettront en quête d’un local situé sur la même zone de chalandise ; si possible mieux placé et aux mêmes conditions locatives pour que la clientèle n’y voie qu’un simple déménagement du magasin. Les responsables des travaux gèreront le retro planning d’ouverture avec les corps de métiers pour s’assurer d’une (ré)ouverture au plus tôt. Le service formation devra prévoir les formations du nouveau partenaire et de ses équipes puis l’accompagner avec l’animateur réseau les premiers jours d’exploitation. Puis, les équipes marketing iront chercher les meilleures astuces pour communiquer sur le retour de l’enseigne dans la ville.
  • La perte d’exploitation résultant de l’entre deux : Cet élément sera pris en compte par la direction financière qui devra revoir à la baisse ses prévisions de trésorerie. La suspension de l’encaissement des redevances pendant la période de fermeture aura un impact sur les comptes de l’exercice. Au niveau des achats, l’impact sur les volumes d’achat du réseau pourrait jouer sur le niveau des remises de fin d’année. La direction des ressources humaines sera peut-être amenée à revoir les agendas et périmètres des équipes terrain afin d’adapter leur charge de travail à cette fermeture. Sans oublier certains autres franchisés, toujours attentifs aux mouvements dans le réseau (ouvertures, fermetures, cessions) qui pourraient entrer dans une période de déstabilisation ou de doutes ayant des conséquences sur leur exploitation. Enfin, la dégradation de l’image de marque de l’enseigne susceptible d’entrainer une perte de confiance des clients de la zone est un paramètre difficilement chiffrable que le décideur ne devra pas négliger dans son analyse de la situation.

Cette liste non exhaustive est à l’ordre du jour du comité de direction que déjà d’autres éléments plus subjectifs viennent la compléter : 

  • Le réseau risque de perdre l’un de ses meilleurs emplacements, 
  • L’impact sur le maillage territorial 
  • Le refus de laisser la place libre à son principal concurrent,
  • Si le franchisé accepte de céder son bail, la probabilité de retrouver rapidement un repreneur dans le réseau ou via un sourcing externe 
  • La certitude qu’il sera impossible de se réimplanter sur cette zone à des niveaux de loyers compatibles avec les business plans types… 
  • L’influence du franchisé sortant dans sa ville.
  • Le discours qu’il tiendra aux clients, aux associations de commerçants, à la mairie voir même auprès des instances du commerce organisé.

Quelle que soit la portée de ce constat, le directeur de l’enseigne va devoir prendre une décision lourde de conséquence mais qui de toute façon sera la moins pire des deux alternatives dont il doit faire le choix :

  1. Aller jusqu’au bout de sa démarche : intenter une action en résiliation, se séparer du partenaire et perdre le point de vente.
  2. Opter pour un compromis : tirer un trait sur une partie (ou sur la totalité ?) de la dette afin d’enterrer la hache de guerre avec son franchisé qui continuera à contribuer au chiffre d’affaire global du réseau, dans son point de vente sous enseigne.

Que feriez-vous à la place du dirigeant ?

Le commerce organisé, c’est une grande famille au sein de laquelle chaque partie attend de l’autre une grande dose de reconnaissance. La tête de réseau via les remerciements des partenaires lorsqu’ils sont satisfaits des actions menées (campagne publicitaire, nouvelle gamme de produits, référencement d’un fournisseur, support informatique ou technique…), entrainant la progression du chiffre d’affaires dans le réseau. Puis, les franchisés, fiers d’apparaître dans les interviews du magazine interne pour leur récent succès ou, pressés de décrocher le trophée de l’année à la prochaine convention nationale. 

Ainsi, l’affect est tellement présent dans un réseau qu’il est fréquent de constater des réactions d’orgueil et des comportements aigris ou rancuniers des uns envers les autres. Mais après tout, le commerce organisé est une grande famille, et dans toute famille il y a des désaccords entre les membres qui la composent et dans la plupart des cas, c’est le chef de famille qui joue le rôle de rassembleur pour apaiser une situation.

Véritable chef de famille du réseau, le directeur général de l’enseigne doit prendre sa décision : la poursuite du contentieux avec les conséquences que nous avons évoquées ou l’option d’un règlement plus pragmatique, avec l’optique de récupérer une partie de la dette dans les redevances nées de la poursuite de l’activité du point de vente dans le réseau.Il nous est difficile de nous prononcer ici sur une option plutôt qu’une autre car chaque cas a ses spécificités et chaque réseau à sa vision stratégique. Cependant, il nous semble que le rôle de la tête de réseau est de toujours favoriser le rapport gagnant-gagnant et de considérer que l’intérêt du collectif prime sur l’intérêt individuel. Une tête de réseau fait appel à des entrepreneurs indépendants pour leurs qualités de management, de commerce et de gestion.  Ces chefs d’entreprise peuvent avoir des réactions de survie lorsqu’ils sentent que leur business est en danger. Ils oublient alors qu’ils ont signé un contrat qui les engage sur plusieurs points précis et avancent, jusqu’à ce qu’ils retrouvent la confiance qui va leur permettre de retrouver une sérénité au quotidien.

David BORGEL

06.11.19.18.44

dborgel@franchisemeup.com

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